Depuis la fin des années quatre-vingt, Angèle Verret pratique un art qui emprunte à la photographie et à la peinture. Œuvres picturales faites à partir de photographies, intégration des deux disciplines et réflexion sur la spécificité de chacune d’elles jalonnent son parcours. Dans sa production récente, elle interroge le photographique à partir de moyens picturaux. Elle y explore les effets de flou, de bougé, de brouillage et de finis mats ou lustrés. Elle accorde également une grande importance aux densités lumineuses ainsi qu’au rapport qu’entretient la photographie avec la mémoire et le temps. Paradoxalement, c’est en jouant avec les paramètres associés habituellement à la photographie qu’elle réussit à questionner avec acuité la matérialité de la peinture.
Pour l’exposition Co_ïncidence, Angèle Verret propose près d’une quinzaine de peintures récentes. Elles ont été réalisées par une accumulation de strates qui couvrent l’entièreté de la surface. Ces différentes couches résultent de traces laissées par la préparation du support, de gestes involontaires ou encore d’interventions accidentelles. En acceptant ainsi les imprévus, l’artiste opte pour une démarche qui n’est pas sans rappeler l’automatisme. Plutôt que de travailler de façon délibérée sur le sens, elle se laisse guider par la matière et permet à son esprit de vagabonder. C’est de cette errance qu’émergent la structure et la signification de l’œuvre, signification qui lui échapperait autrement. Les tableaux exposés à Plein sud sont troublants et jouent sur cette ambiguïté de la perception. Au premier coup d’œil, l’on pourrait croire qu’ils sont quasi monochromes, mais un second regard permet de discerner une multitude de couleurs qu’il est difficile toutefois de nommer. De même, les surfaces semblent richement texturées, alors qu’en fait elles sont lisses. Perplexe, le visiteur s’approche et aiguise son regard. Est-ce une peinture ? Une photographie ? Est-ce une œuvre abstraite ? La représentation d’un paysage lunaire ? Le détail d’un bout de peau ? La carte d’un territoire imaginaire ? Nous sommes dans la sphère du presque rien, de l’entre-deux : entre matérialité et immatérialité, abstraction et figuration, peinture et photographie. D’une terrible efficacité, tout l’art d’Angèle Verret semble tenir dans cet espace du doute.
— Sylvie Pelletier
Consulter également Le photographique comme langue seconde, conférence prononcée par Angèle Verret le 13 septembre 2003
Notice biographique
Née en 1942 à Montréal, Angèle Verret a étudié la peinture à l’École des beaux-arts de Montréal (1961-1965), la photographie au cégep du Vieux Montréal (1979) et a complété une maîtrise en arts plastiques à l’Université du Québec à Montréal (1984).
Tout au long de sa carrière, elle a présenté une quinzaine d’expositions individuelles et participé à une cinquantaine d’expositions collectives. Son travail a surtout été vu au Québec, mais aussi à l’étranger (New York, Édimbourg, Londres). En 2001, elle recevait le prix Graff.
Ses œuvres figurent dans des collections publiques dont la Collection Prêt d’œuvres d’art du Musée du Québec, la Collection Loto-Québec, la Collection de la Bibliothèque nationale du Québec et celle de la Bibliothèque nationale du Canada. Plusieurs de ses productions ont également été acquises par des entreprises et des collectionneurs privés.
Journées de la culture
Dans le cadre des Journées de la culture, Plein sud convie les visiteurs à une rencontre avec Angèle Verret le dimanche 28 septembre 2003 de 14 h à 16 h.
Remerciements
L’artiste remercie le Conseil des Arts du Canada pour son soutien financier.