Grains de riz, dragons et pistolets — L’artiste Cynthia Dinan-Mitchell présente une exposition dont le titre évoque tout à la fois l’Orient et l’Occident et quelques particularités culturelles telles que la cuisine asiatique ou le cinéma. La juxtaposition étroite des mots Western et Wasabi dans le titre fait également allusion à une fusion entre l’occidental et l’oriental, ou à une certaine contamination de l’un par l’autre.
C’est précisément ici que se profile un des enjeux de l’exposition, alors qu’au moyen de diverses techniques d’impression, l’artiste applique sur les composantes de l’exposition des motifs thématiques systématiques, procédé qui les contamine et qui ajoute des caractéristiques visuelles communes à des objets disparates.
Héritée des toiles de Jouy, lesquelles sont constituées d’un dessin ornemental répété, le plus souvent monochrome, aujourd’hui associées aux tissus décoratifs et utilisées pour habiller des meubles, ou en frise et parements muraux, l’astuce de l’artiste lui permet de recréer un décor enveloppant aux aspects obsessionnels. Le spectateur de l’exposition est plongé dans un univers transformé et factice, mais similaire à son propre désir de personnaliser sa vie et son environnement.
Or, contrairement à une pratique artistique actuelle assez répandue qui consiste à rassembler divers objets dans le but de les détourner de leur sens originel, Dinan-Mitchell choisit plutôt de les relier par une trame qui, bien qu’arbitraire, leur donnera du sens. Les objets qui ont peu en commun se transforment, en acquérant au passage une harmonie qui de surcroît va également conférer une valeur esthétique à l’ensemble de l’exposition. Ce tour de force exige du goût, ce dont ne manque pas l’artiste. Celle-ci assume pleinement la connotation esthétique, ou féminine, qui peut être associée à son travail. Plutôt que de faire la critique de ces divers stéréotypes, elle se plaît surtout à nous offrir des espaces thématiques particulièrement envoûtants.
Le projet Western Wasabi est présenté grâce à la bourse Plein sud, obtenue par l’artiste en mai 2011. Ce projet complète pour Dinan-Mitchell une série d’expositions consacrées au métissage des esthétiques western, japonaises et victoriennes. Rappelons que cette bourse, dotée d’un montant de 3 000 $ et d’une exposition qui s’accompagne de la publication d’un opuscule, est remise annuellement à un(e) artiste de la relève afin de lui permettre de travailler sur un projet particulier et de consolider sa carrière artistique.
— Richard Théroux, printemps 2012
Le travail artistique de Cynthia Dinan-Mitchell emprunte à deux disciplines qui sont généralement éloignées l’une de l’autre : l’estampe et l’installation. En effet, si la première évoque un travail bidimensionnel qui s’apprécie le plus souvent dans un cadre traditionnel, la seconde suggère plutôt des œuvres immersives qui font éclater les formes de la représentation. Or, Cynthia Dinan-Mitchell réussit habilement à marier les deux pratiques pour créer des œuvres qui mettent en scène des espaces factices, construits à partir de multiples références.
Parmi celles-ci, on retrouve l’histoire de l’estampe qui a rapidement conduit l’artiste à s’intéresser à l’utilisation de cette forme artistique dans la décoration intérieure. Depuis, elle a créé de nombreuses installations autour de ce thème. Pour son projet à Plein sud, Dinan-Mitchell s’attarde plus particulièrement au motif historique de la Toile de Jouy, c’est-à-dire cette étoffe utilisée dans la fabrication de différents éléments de mobilier et de décoration sur laquelle on retrouve les images monochromes de petites scènes bucoliques. Loin de reproduire les motifs classiques de ce type de représentation, l’artiste crée plutôt sa propre iconographie en convoquant tantôt des séquences de films westerns, tantôt les Geishas des estampes japonaises, dans une juxtaposition inusitée, librement inspirée de l’univers visuel du réalisateur japonais Takashi Miike. Ce sont ces images qui forment la matrice de base du décor qu’elle compose. La reproduction de celles-ci sur une grande variété de supports et d’objets concourt à créer cet espace-tableau dans lequel le spectateur est invité à se déplacer. Ce faisant, l’artiste brouille les hiérarchies établies de longue date dans le champ visuel entre les arts plastiques et les arts décoratifs, nous forçant à opérer un recadrage quant aux notions d’ornementation, de goût et de beauté.
— Guillaume Sirois, automne 2010
- Projet en cours (détail), 2012. Sérigraphie sur papier, dimensions variables
Notice biographique
Cynthia Dinan-Mitchell vit et travaille à Québec. Elle a terminé en 2007 une maîtrise en arts visuels à l’Université Laval et elle est détentrice de baccalauréats en arts visuels des universités Concordia (2002) et Bishop (1999). Sa pratique est multidisciplinaire, mais touche surtout à la sérigraphie et à l’installation. Elle expose depuis 2003. Depuis, son travail a été présenté au Québec et au Canada dans plusieurs expositions individuelles, ainsi que dans expositions collectives aux États-Unis, au Mexique, en Bulgarie, au Brésil et en Belgique.
Publication
Pierre Rannou
Cynthia Dinan-Mitchell : Western Wasabi
Longueuil : Plein sud, centre d’exposiion en art actuel
2012, 16 pages
- Salon pour les Paons, 2009
- 72 sérigraphies sur papier de coton, sur tissu et sur bois, 8,8 x 3,8 x 3,5 m
Photo : Jérôme Bourque
- Installation Décorative Jaune, 2006
- Sérigraphie sur tissus, objets ready-made, montage numérique d’une couverture d’un magazine Art Press, 4,8 x 4,2 x 2,7 m
Photo : Jérôme Bourque
