- Denis Farley, Network Black
- 2013, impression jet d’encre, 100 x 196 cm. © Denis Farley
L’œuvre de Denis Farley s’est longtemps distinguée par une attention soutenue portée aux systèmes de vision. Chambres obscures, dispositifs de télésurveillance ou observatoires astronomiques ont en effet formé le socle thématique d’une pratique artistique mettant en exergue des sites d’observation et des « instruments » optiques. Elle-même machine de vision, la photographie était également soumise à l’enquête. Une interrogation sur le visible animait ainsi la démarche de Farley, tant sur le plan du sujet que sur celui des formes représentatives retenues.
Plus récemment, mais fort de ses réalisations antérieures, Farley a modulé son approche, en s’intéressant cette fois au monde de l’infravisible. Que ce soit à travers la représentation de dispositifs techniques d’émission ou de captation d’ondes (Parallèles Networks, 2016), d’infrastructures de gestion de flux de données (Réseaux, 2013) ou encore par la capture de configurations immatérielles (Nuages, 2015), les contenus de représentation privilégiés par Denis Farley ont tous trait à des systèmes de transmission des informations, de relais ou de stockage (« cloud ») des données. Certaines de ses images montrent d’ailleurs qu’une forme de « colonisation » de l’architecture et des espaces publics par des technostructures dédiées à la communication est actuellement à l’œuvre. D’autres images confrontent le spectateur aux méandres des systèmes d’acheminement des informations numériques. Plus métaphoriques enfin, certaines photographies trouvent dans le motif du nuage l’emblème d’une transsubstantiation du visible. Car il faut bien conférer une visibilité à ces flux, ces ondes, ces algorithmes et autres impulsions électriques au fondement de nos dépendances contemporaines à la communication instantanée et au partage tous azimuts des images.
C’est à ces travaux réalisés au cours des dix dernières années que cette exposition est consacrée. Si cette dernière n’est pas de nature rétrospective, elle propose néanmoins, par la présentation d’œuvres sondant les confins du visible, de repenser le paradigme de la vision, si prégnant dans les premières œuvres de Denis Farley.
Texte : Vincent Lavoie, commissaire
Biographies
Denis Farley vit et travaille à Montréal. il a obtenu un baccalauréat en arts visuels, photographie et communication graphique à l’université Laval, à Québec, en 1980, suivi d’une maîtrise en arts visuels à l’université Concordia, à Montréal, en 1984. Il est chargé de cours à l’université du Québec à Montréal depuis 1998. Artiste de carrière internationale, le travail de Denis Farley a été diffusé à de nombreuses occasions au Canada, aux États-Unis, et en Europe. Ses œuvres se retrouvent dans les collections permanentes des grands musées canadiens et de nombreuses collections publiques et privées.
Vincent Lavoie est professeur titulaire au Département d’histoire de l’art de l’Université du Québec à Montréal (UQAM). Ses intérêts de recherche portent sur les formes contemporaines de l’attestation visuelle, qui l’ont conduit à la réalisation de publications, parmi lesquelles Photojournalismes. Revoir les canons de l’image de presse (Paris, Éditions Hazan, 2010), Imaginaires du présent. Photographie, politique et poétique de l’actualité (Montréal, Cahiers ReMix Figura, 2012, en ligne), et tout récemment La preuve par l’image (Québec, Presses de l’Université du Québec, 2017), de même que L’affaire Capa. Le procès d’une icône (Paris, Éditions Textuel, 2017). Vincent Lavoie est membre du centre de recherche FIGURA (UQAM) et directeur de la revue à comité de lecture Captures. Figures, théories et pratiques de l’imaginaire.
Coup d’œil sur la publication
Vincent Lavoie
Denis Farley
Longueuil : Plein sud édition ; Saint-Hyacinthe : EXPRESSION, Centre d’exposition
2018, 204 pages