Denise Dumas construit des œuvres à la façon d’un architecte. Dans sa pratique, l’architecte tiendra compte des exigences intrinsèques du bâtiment lui-même, mais également d’un certain nombre de conditions et de facteurs extérieurs et environnementaux qui s’imposent d’emblée. Il en va ainsi des œuvres de cette artiste pour qui notre perception de la réalité serait adaptable et modifiée en fonction du lieu dans lequel nous évoluons. Aussi, à la différence de l’architecte pour qui le travail sera fixé dans le temps, les installations de l’artiste sont en mode de progression, ou de changement. Les installations sont composées de sculptures, parfois d’objets familiers du quotidien, des meubles par exemple, et intègrent la projection vidéo. Par un travail de transformation, en altérant ou en combinant les divers éléments qu’elle réunit dans ses installations, l’artiste place ces objets dans des contextes relationnels qui vont métamorphoser leur sens et leur identité.
Dans Unités de transfert / Transfer Units, l’exposition multimédia proposée par Denise Dumas à Plein sud, les œuvres sont issues d’un meuble unique, déconstruit et reconfiguré en diverses structures. Ce meuble a également conduit à la conception d’œuvres satellites qui participent à l’installation, créées à partir des formes et caractéristiques initiales de l’objet, mais sans doute aussi inspirées du pouvoir émotionnel exercé sur l’artiste par ce meuble. Celui-ci, tel qu’il apparaît dans la psyché de l’artiste Denise Dumas, a servi en quelque sorte de matrice à l’entièreté de l’exposition. Bien qu’elles soient autonomes, chacune des mutations subies par le meuble d’origine et visibles ici agissent en interaction, créant de nouveaux sens, le plus souvent métaphoriques et qui évoquent la mémoire, l’abandon, le passage du temps et la séparation. Mais il y a plus encore, et ces quelques prémisses culminent sur une thématique et une intégration parfaitement réalisées, que nous ne dévoilerons pas ici afin de laisser au visiteur l’occasion d’en découvrir par lui-même la richesse.
Dans ces formes allégoriques ou poétiques, les œuvres de Denise Dumas témoignent également de l’identité et des limites de l’expérience humaine. Selon leur contexte, la conscience individuelle, le désir et l’identité subissent des mutations et des ajustements. Comme l’artiste le précise elle-même, son déménagement aux États-Unis est peut-être à l’origine de ce réflexe d’altération. Les actes de transformation artistique sont le reflet de changements profonds liés en partie au contexte social. Notre perception de la réalité serait une construction de l’esprit, reflet des angoisses personnelles liées par exemple à l’environnement, à l’économie, à l’insécurité et d’autres conditions de même teneur. Des éléments qui nous portent à réfléchir, et le point de vue du spectateur devient alors très important, puisque c’est lui, en définitive, qui va scruter l’œuvre et lui donner tout son sens.
Biographie
L’artiste Denise Dumas vit et travaille aux États-Unis, où elle enseigne depuis 2000 à l’Université du Massachusetts à Lowell (Massachusetts). Elle a également enseigné les arts au cégep Édouard-Montpetit, à Longueuil (Québec), de 1987 à 1999, puis au New Hampshire Institute of Art à Manchester (New Hampshire), de 2000 à 2003. Elle est titulaire d’une maîtrise en arts visuels (création) de l’Université du Québec à Montréal. Elle a présenté une dizaine d’expositions individuelles et participé à une trentaine d’expositions de groupe au Québec et aux États-Unis, des lieux où elle a également signé quelques œuvres d’art public.
► Site de l’artiste : www.dumastudio.com
- Spiroir et Transfert, 2011
- Gauche : patron lumineux / lumière, dimensions variables
Droite : résine, surface d’argent (tain) 96 x 70 x 4,5 cm
Photos : Denise Dumas
Publication
Jocelyne Connolly
Denise Dumas : Unités de transfert / Tranfer Units
Longueuil : Plein sud, centre d’exposition
2014, 16 pages