Dans le domaine de la photographie, Ève K. Tremblay est reconnue pour ses séries qui tracent le portrait psychologique de personnages souvent énigmatiques. Puisant à plusieurs sources — littéraire, théâtrale, cinématographique, scientifique, psychanalytique —, les œuvres de l’artiste engendrent une trame narrative fuyante que le spectateur est invité à investir au gré de son imaginaire.
Avec Tales without Grounds, Ève K. Tremblay présente des photographies issues de sa toute récente production. Une jeune fille — l’héroïne ? — et des personnages vêtus de blanc des pieds à la tête évoluent dans l’environnement d’une serre hydroponique où l’on cultive des laitues. Ces images se démarquent tout d’abord par leurs qualités formelles : les compositions mettent en valeur les perspectives créées par l’architecture de l’édifice, de même que les jeux de correspondances entre les tons de blanc, de bleu et de vert se révèlent fort habiles. Mais ce qui retient l’attention par-dessus tout, c’est la parenté de cette série avec le cinéma. Le grand format des photographies, l’intensité des couleurs, le soin accordé à la mise en scène, l’unité dans la présentation des lieux et des protagonistes, tout concourt à rappeler le septième art. Et, comme au cinéma, l’alternance de gros plans et de plans d’ensemble rend le passage du temps palpable. Cependant, le spectateur se heurte rapidement à l’impossibilité d’établir une chronologie entre les différentes images. L’histoire lui échappe. En fait, Ève K. Tremblay ne propose pas une fiction linéaire. Elle cherche plutôt à faire coïncider monde intérieur et monde extérieur. Comme si les objets devenaient des extensions ou des doubles de l’univers psychologique des personnages, ce qui ne manque pas de soulever de nombreuses questions. Par exemple, pourquoi cette jeune fille se camoufle-t-elle le visage dans une laitue ? Se cache-t-elle d’une réalité qui nous est étrangère ? La plante agit-elle comme métaphore d’une étape de transition dans le développement de cette personne ? Quant à la serre, symbolise-t-elle un lieu de croissance ? Un rite de passage d’un état à un autre ? Un endroit qui protège de ce qui se passe au dehors ? Grâce aux nombreux indices soigneu-sement déposés par l’artiste, plusieurs réponses coexistent. Pour le plus grand bonheur du spectateur, les photographies excèdent ce qu’elles représentent.
— Sylvie Pelletier
Notice biographique
Née en 1972 à Val-David, Ève K. Tremblay vit et travaille à Montréal. Diplômée de l’Université Concordia (baccalauréat en arts visuels, majeure photographie) en 2000, cette jeune artiste affiche un parcours impressionnant, ses œuvres ayant été présentées tant sur la scène nationale qu’internationale. Pour la seule année 2006, elle a réalisé quatre expositions individuelles, dont une à Québec, une à New York (États-Unis), une à Strasbourg (France) et une autre à Berlin (Allemagne). Depuis 2000, on a pu également voir son travail dans le cadre d’expositions individuelles ou collectives un peu partout au Québec, en Ontario (Toronto, Sudbury), en Colombie-Britannique (Kelowna), aux États-Unis (New York), à Cuba (La Havane), en Suisse (Bâle, Zurich) ainsi qu’en Allemagne (Wolfsburg).
Ses photographies figurent dans de nombreuses collections privées et publiques, dont la collection Prêt d’œuvres d’art du Musée national des beaux-arts de Québec, la collection de la Fondation Christophe Mérian à Bâle (Suisse) et celle de la Migros Klubschule à Bâle également. Ève K. Tremblay est représentée par la BUIA Gallery à New York.
Remerciements
L’exposition individuelle Tales without Grounds fut d’abord présentée à la BUIA Gallery (New York, États-Unis) au printemps 2006.
Anne-Laure Dubé, Marie-Pascale Dubé, Emanuelle Goulet, Chantal Marois, Agnès Janoshazi, Giulia Fienga, McLean Sellars, Mate Demeny, Boréalis, Laminatek, Encadrement Marcel, Hydro-serre (Mirabel) et le CEAAC (Centre Européen d’Actions Artistiques Contemporaines : www.ceaac.org).
L’artiste remercie également le Conseil des arts et des lettres du Québec pour son soutien financier.