À partir d’objets les plus banals de notre quotidien, Jérôme Fortin est passé maître dans l’art de créer des sculptures dotées d’une grande force visuelle et d’un sens poétique indéniable. L’exposition Après l’atelier correspond à un événement décisif dans ce parcours artistique.
Jérôme Fortin s’apprête à quitter l’atelier qu’il occupe depuis maintenant trois ans. Lieu hautement symbolique, la perte de l’atelier a une incidence déterminante dans son travail récent. Avec ce départ, est né pour l’artiste le besoin de liquider les innombrables objets qui s’y sont accumulés au fil des ans et, par extension, celui de mettre fin à un cycle de production. Désir de faire le vide dans l’espace de création, au sens propre et au sens figuré.
De prime abord, ce qui étonne dans l’exposition Après l’atelier, c’est l’opposition entre la grande densité des sculptures et le dénuement qui les entoure. Comme si, dans l’exposition, se jouait un duel entre le vide de l’atelier et l’abondance des matériaux qui s’y sont trouvés. Sur quatre socles blancs se posent quatre sculptures circulaires composées de tiges métalliques posées à la verticale, serrées les unes contre les autres et sur lesquelles sont enfilés filtres de cigarettes, bouchons de bouteilles de bière, attaches de plastique pour le pain, attaches pour sacs à ordures, etc. La hauteur des socles permet au visiteur d’appréhender les œuvres en plongée et de prendre le pouls du temps mis à les créer. Chaque tige a été patiemment assemblée dans un habile jeu de répétition ou d’alternance de formes, de couleurs et de textures. Et, une fois de plus, la magie opère : la ligne se fait bijou. Si chaque tige possède une beauté en elle-même, leur réunion forme une sculpture qui évoque un regroupement de totems, de gratte-ciel d’un centre-ville imaginaire ou encore d’arbres d’une forêt touffue. On dirait que chaque tige aspire à prendre de la hauteur, malgré le peu d’espace dont elle dispose ou peut-être justement à cause de ce manque d’espace. Concentrées en si grand nombre dans une sculpture, les tiges métalliques ne manquent pas non plus de rappeler les déchets que l’on comprime avant de les faire disparaître. Par ce travail de surabondance et de compression, Jérôme Fortin marque avec brio le départ de son atelier.
— Sylvie Pelletier
Notice biographique
Né à Joliette en 1971, Jérôme Fortin vit et travaille à Montréal. Depuis 1996, il a présenté une dizaine d’expositions individuelles principalement au Québec et a participé à de nombreuses expositions collectives au Québec et au Canada, mais aussi à l’étranger : New York, Bruxelles, Bologne, Dieppe. Il a effectué également plusieurs résidences d’artiste, notamment chez Graff (Montréal), au Centre est nord est (Saint-Jean-Port-Joli), au World Financial Center Arts & Events (New York) et à la Fondation Christoph-Merian (Bâle). En 2005, Jérôme Fortin présentera une exposition individuelle à l’Ambassade du Canada au Japon (Tokyo).
Jérôme Fortin est représenté par Pierre-François Ouellette art contemporain.
Remerciements
L’artiste remercie le Conseil des Arts du Canada pour son soutien financier.