Science-fiction expérimentale et contemplative, La catastrophe ultraviolette est une installation d’animation 3D portant sur la virtualité de la matière. Elle s’inspire d’une expérience récente menée à l’Institut de Science et d’Ingénierie Supramoléculaires de Strasbourg où Julie Tremble fut accueillie pour une résidence de recherche à l’automne 2023. L’expérience, mystérieuse et inouïe pour qui n’est pas familier avec la chimie quantique, consiste à faire entrer une molécule dans un état hybride lumière-matière afin d’en transformer les propriétés. On accomplit ceci en emprisonnant la molécule et un photon entre deux miroirs dont la distance est finement réglée.
Dans un aller-retour sur les trois écrans de l’installation, un paysage réaliste inspiré du bouclier canadien est examiné et jouxté à des représentations formelles de molécules, atomes et champs quantiques, un peu comme si on regardait à travers une lentille dont la longueur focale allait du satellite au laboratoire européen pour la physique des particules (CERN). Sous l’emprise d’une perturbation quantique à grande échelle, les éléments de ces différentes séquences entrent graduellement en résonance. Agités d’effets visuels traduisant des formes d’hybridités entre lumière et matière, les végétaux et minéraux qui composent l’environnement perdent de leur cohésion et de leur stabilité. Dédoublements, spectre lumineux, frétillements électroniques se transmettent d’un écran à l’autre et dématérialisent le paysage numérique. Des phénomènes hallucinés altèrent ainsi le naturalisme et imagent à l’échelle macroscopique les processus quantiques qui se jouent en-deçà de nos perceptions.
La trame sonore multicanale et immersive est réalisée par la compositrice et écologiste sonore Rehab Hazgui. Sa composition explore particulièrement la possibilité de fusionner l’aléatoire quantique avec la musique, un intérêt né de sa fascination de longue date pour l’utilisation de l’imperfection et de l’aléatoire dans la création musicale.
En utilisant l’aléatoire quantique, Rehab Hazgui manipule le spectre de fréquence de Fourier des paramètres sonores, avec la possibilité de découvrir des motifs dans les changements timbraux. Elle utilise cette technique pour explorer de nouvelles dimensions dans la composition musicale, cherchant à révéler des motifs cachés dans les variations timbrales des sons, une approche qui peut altérer notre compréhension et notre perception de la musique.
Remerciements
Emilie Werner, Maciej Pienko, conseillère et conseiller scientifiques.
Ariane De Blois, Joseph Moran, Giulio Ragazzon, Claudia Bonfio, Jean-Pierre Aubé, Philippe Hamelin.
Ce projet est réalisé grâce au soutien financier du Conseil des arts et des lettres du Québec de même qu’au soutien et à la confiance de Plein sud.
Biographies
Julie Tremble est une artiste de la vidéo et de l’animation. Nourrie entre autres par le cinéma, les sciences naturelles, la littérature et la philosophie, elle s’intéresse aux constituants de l’univers, aux états de la matière et à leurs représentations. À partir de différentes sources (articles et discussions avec les scientifiques, documentaires de vulgarisation, simulations numériques, documents de communication des agences spatiales), elle produit des vidéos et des animations où s’entremêlent données scientifiques, documentaire et science-fiction.
Elle détient une maitrise en études cinématographiques de l’Université de Montréal (2005) ainsi qu’un baccalauréat combinant cinéma et philosophie (2000). Son travail a été présenté au Canada et à l’international, dans des centres d’art parmi lesquels le Museum Ludwig (Budapest), la Fonderie Darling, la Galerie B-312, Dazibao et la Galerie Joyce Yahouda (Montréal), STUDIOTELUS du Grand Théâtre de Québec et VU (Québec), la Galerie d’art Foreman et Sporobole (Sherbrooke) ainsi que lors de différents festivals dont le Mirage Festival (Lyon), MAPP MTL, le Festival du nouveau cinéma et le Festival international du film sur l’art (Montréal), Images Festival (Toronto), la triennale Espace [IM] Média (Sherbrooke) et ARKIPEL – Jakarta International Documentary and Experimental Film Festival. En 2013, elle recevait le prix du CALQ pour la meilleure œuvre d’art et d’expérimentation.
Par son travail, Rehab Hazgui explore des manières d’apprendre de nouvelles formes de langages à travers l’écoute consciente et la relation que les êtres entretiennent avec leur culture, leur héritage, leur société et leur environnement en tant que participants actifs et vivants. Ses recherches examinent la manière dont le son émerge de paysages dynamiques, notamment de ceux issus de phénomènes biologiques, géophysiques ou humains. L’intérêt premier de Rehab Hazgui est porté sur l’acte de s’écouter dans la mesure où cela est lié à notre perception de l’espace, à notre relation à ce dernier et au profond niveau d’engagement que notre oreille nous permet d’entretenir avec le monde.
Dans sa musique, elle explore le mouvement incessant du son, la répétition et le silence comme espace tiers à partir duquel on peut naviguer entre différentes formes d’écoute. Réalisées avec des outils numériques et des instruments modulaires, ses créations sonores se distinguent par la manière dont elles défient les perceptions que nous avons du temps et de l’espace.
Le concept d’interaction cognitive synergique, qui implique une collaboration continue et transparente entre l’humain et la machine pour créer une performance musicale intégrée, est au cœur de ses recherches sonores. Sa musique est une expérience unique et innovante qui transcende les notions traditionnelles de musique et de technologie, offrant un voyage sonore sans précédent. Ses créations sonores remettent en question la perception du temps et de l’espace, mettant en valeur son approche distincte de l’expérimentation et de l’exploration sonores.
Le travail de Rehab Hazgui a été présenté dans de nombreux festivals et lieux de diffusion : Phonetics (Alger), CTM (Berlin), Kikk (Namur, Belgique), Savvy Contemporary (Berlin), Phonetics (Saint Denis, Paris), Perte de Signal (Montréal), Sight & Sound (Montréal), The Mannheimer Sommer Festival (Mannheim, Allemagne), ainsi que dans de très nombreux ateliers en Europe sur la construction de synthétiseurs et d’appareils audio « faites-le vous-même » (DIY).