En ce début d’année 2003, Plein sud et Occurrence présentent conjointement Doubles, une exposition de Lucie Robert. En se faisant écho, les deux volets de cette exposition témoignent des nombreuses voies empruntées par l’artiste dans son exploration du dessin au cours des quatre dernières années.
Travaillant essentiellement la figure humaine à partir de l’encre, Lucie Robert tire parti des qualités de transparence et de fluidité de ce médium pour expérimenter divers phénomènes tels que la diffusion, la fusion, l’effusion, etc. Ces phénomènes, d’abord physiques et physiologiques dans leurs applications, trouvent une résonance psychologique et psychique dans le contenu symbolique et poétique des œuvres. À partir de cette approche, l’artiste fait naître des images où se rencontrent l’endroit et l’envers, l’intérieur et l’extérieur, le rationnel et l’émotionnel, la figure et son double.
Par exemple, à Occurrence, la série des Gémellaires met en relation deux formes humaines. Alors que le premier corps est dessiné avec de l’encre, le second, simple lavis transparent au départ, est créé par osmose. Le papier humidifié attire l’encre de la première figure pour permettre à l’autre de prendre vie. S’agit-il du même corps dupliqué, d’un fantôme, d’une ombre ? Pour d’autres dessins, l’artiste intervient avec la machine à coudre. Unissant le recto et le verso de la feuille, les coutures tracent des axes, impriment un mouvement aux figures et s’opposent, par leur rigidité, au caractère informe des taches et des coulées d’encre. Dans certaines œuvres, les coutures deviennent des grilles qui structurent la surface, alors qu’ailleurs elles se déploient pour figurer un cube. Toujours à Occurrence, Lucie Robert suspend certains autres dessins dans l’espace afin de mettre en valeur la transparence du support et d’abolir encore une fois la frontière entre l’endroit et l’envers.
À Plein sud, deux corpus retiennent particulièrement l’attention. Tout d’abord, la série des Ciseaux propose, par la représentation de cet outil symétrique, une autre image du double. Traitées de façon surréaliste et évocatrice comme un prolongement du corps, une extension des mains, les pointes de l’instrument se terminent par des formes abstraites organiques, des entrelacs, des taches, des parties anatomiques, des flammes ou encore des feuilles. Enfin, la série des Grosses têtes se distingue par le médium et la technique utilisés. Exécutée à la gouache par petites touches nerveuses, elle montre l’interaction de personnages engagés dans un étrange ballet aux accents expressionnistes. Amants ou ennemis ? On ne saurait dire.
En s’intéressant à la notion du double à travers ses diverses expérimentations, Lucie Robert amène le visiteur à se questionner sur les relations des êtres entre eux et au monde qui les entoure ainsi que sur les frontières qui régissent ces rapports. Face aux dessins de l’artiste, il contemple sa propre image et ne peut être que troublé par le caractère équivoque et mouvant des limites qui le séparent de son double.
— Sylvie Pelletier
Notice biographique
Née en 1961, Lucie Robert vit et travaille à Montréal. Titulaire d’un baccalauréat en arts visuels de l’Université Laval (1986, Québec), elle a présenté jusqu’à maintenant sept expositions individuelles, dont une au Japon (Galerie Nikko, Tokyo en 1996). Elle a également participé à une douzaine d’expositions collectives surtout au Québec (Montréal, Québec, Alma, Rimouski), mais aussi en Ontario (London et Toronto).
Remericements
L’artiste remercie le Conseil des arts et des lettres du Québec pour son appui financier.
Occurrence, espace d’art et d’essai contemporains460, rue Sainte-Catherine Ouest, espace 307Montréal (QC) H3B 1A7HEURES D’OUVERTURE : du mercredi au samedi, de 12 h à 17 h
Horaire de l’autobusDépart du métro Berri-Uqam (Berri et Sainte-Catherine) vers Plein sud : 13 h 30Départ de Plein sud vers Occurrence : 14 h 45Retour à Plein sud : 16 h 30