Le grand voyage est un projet qui n’est inspiré d’aucun voyage, tout au plus de quelques déplacements. De toute façon, nul besoin de se rendre jusqu’au Maroc pour affirmer comme Delacroix qu’« il y a des tableaux partout, on n’a qu’à les cueillir ». Le fond de la cour d’un voisin, les abords du canal de Lachine ou les ruelles de Montréal feront tout aussi bien l’affaire. C’est donc là plus ou moins le territoire que j’ai parcouru, en débordant sur la Rive-Sud, là où mes enfants et parents résident, et là où j’enseigne. Le corpus présente à ce jour des travaux regroupés en trois sous-ensembles : Le cabinet des surfaces, Le cabinet des amoncellements et Le cabinet des observations.
Le cabinet des surfaces regroupe des photographies dont on pourrait dire qu’elles sont des « tableaux trouvés ». Des images qui convoquent à la fois la peinture, le photographique et le ready-made. À mes yeux, le référent photographique cède pour une bonne part devant celui de la peinture. Il y a un écart entre l’objet photographié et ce qui en résulte... une dimension qui (m’)échappe. Cela tient notamment au fait d’isoler un fragment et de le présenter à une autre échelle. Cela tient également à la nature même du procédé utilisé : l’impression à jet d’encre, qui matérialise en quelque sorte ce fantasme d’Andy Warhol, lui qui voulait « peindre comme une machine ».
Le cabinet des amoncellements est un ensemble de documents photographiques présentant des amas d’objets et des espaces relativement ouverts. Le référent photographique demeure ici premier. Si un rapprochement peut être fait avec la peinture, c’est en fonction d’une certaine iconographie, et à partir de ce « vieux » paradigme qu’est celui du tableau conçu comme espace de représentation, de « fenêtre ouverte sur le monde ».
Le cabinet des observations relève plus ou moins du « journal d’artiste ». Il regroupe des études, des dessins annotés, des documents photographiques, des réflexions et des commentaires. Les observations de certains penseurs ou de prédécesseurs-artistes peuvent également y trouver place. La notion d’« observation » doit être entendue (le Petit Robert) à la fois en tant qu’« action de considérer avec une attention suivie la nature, l’homme, la société, afin de les mieux connaître », de « note, parole ou réflexion », voire d’« objection », de par la portée critique de certaines observations.
Le grand voyage pourrait demeurer inachevé. D’autres éléments pourront s’ajouter aux cabinets déjà existants. De nouveaux cabinets pourront également se développer.
— Martin Désilets
Notice biographique
Né à Belœil, Martin Désilets vit et travaille à Belœil ainsi qu’à Montréal. Depuis l’obtention de sa maîtrise en arts visuels à l’Université du Québec à Montréal en 1999, il a réalisé près d’une dizaine d’expositions individuelles ici et à l’étranger. Mentionnons entre autres Les agglomérations présentée à la Galerie B-312 à Montréal en 2006 et dont le premier volet avait été exposé à l’Espace SD à Beyrouth (Liban) en 2002. Au chapitre des expositions collectives, sa présence fut remarquée dans Territoires urbains au Musée d’art contemporain de Montréal en 2005-2006.
On retrouve de ses œuvres dans différentes collections privées et publiques, notamment dans la collection Prêt d’œuvres d’art du Musée national des beaux-arts du Québec.
Remerciements
L’artiste remercie les donateurs de la Bourse Plein sud, soit monsieur Charles S.N. Parent, vice-président de la Financière Banque Nationale et le collège Édouard-Montpetit.
- Étude pour un Tyran tritri (envol) (détail)
- Extrait du Cabinet des observations, 2006-2007, impression au jet d’encre et acrylique sur papier, 56 x 76 cm.