L’exposition des photographies de Robert Duchesnay à Plein sud revêt soudainement un caractère d’actualité. En effet, la fermeture de la Biosphère, musée de l’environnement, ou sa transformation, décidée par le gouvernement canadien, suscite une mobilisation de citoyens et de groupes de pression, inquiets pour l’avenir de la structure et sa préservation.
Or, il s’agit d’une construction significative, un des plus prestigieux pavillons de l’exposition universelle qui s’est tenue à Montréal en 1967. Laissé à l’abandon suite à un incendie en 1976, les divers états de l’édifice ont été documentés par Robert Duchesnay au cours de séances de photographies s’échelonnant de 1983 à 1995. À la même époque, il se rendra à Düsseldorf où il aura le privilège à la fois d’être reçu à l’atelier de Joseph Beuys et de pouvoir l’explorer avec sa caméra. Cet atelier, en réalité une salle de classe de l’Académie des beaux-arts de Düsseldorf, servait à Beuys de studio et de salle d’exposition, et l’endroit fût un véritable incubateur de talents et d’idées ainsi que le lieu d’interventions, de performances et de rencontres tant pédagogiques, artistiques que politiques. Les quelques artefacts et les trente photographies tirées des archives de Robert Duchesnay sont ici exposés pour la première fois. Ils témoignent de lieux et de moments historiques uniques.
La qualité documentaire de ces œuvres n’est pas le seul propos du photographe. Pour ce dernier, tant le studio de Beuys que les concepts développés par Richard Buckminster Fuller, l’architecte et auteur visionnaire de l’édifice de la Biosphère, si divergents en apparence, sont interprétés dans une perspective où l’engagement et les langages humanistes des deux artistes se rejoignent. Comme un creuset, l’exposition fait apparaître la force des projets sociaux de Beuys et de Fuller, habitée par la volonté de ces créateurs d’utiliser de meilleure façon les ressources du présent.
Texte de Richard Théroux, communications
Le projet que Robert Duchesnay présente à Plein sud met en face à face deux grands créateurs du XXe siècle. D’un côté, l’une des figures incontournables de l’art contemporain : Joseph Beuys, cet artiste allemand dont le travail novateur et engagé fait de lui l’un des pionniers de l’installation et de la performance. De l’autre côté, Richard Buckminster Fuller, homme de science, philosophe et inventeur américain qui est surtout connu pour ses innovations architecturales. Même si son nom demeure mal connu ici, l’architecte a tout de même marqué le paysage de la métropole québécoise en créant sa fameuse sphère géodésique pour l’exposition universelle de 1967. C’est à travers une recherche sur l’espace que Duchesnay se lance sur les traces de ces deux hommes. Dans le premier cas, cela se traduit par une série de photographies de l’atelier que Beuys occupait à l’Académie des Beaux-arts de Düsseldorf. Ce lieu, auquel Duchesnay a eu accès en 1984, servait à la fois d’espace de création et d’enseignement. Dans le second cas, pour représenter Fuller, Duchesnay rassemble ici des photographies de la réalisation architecturale emblématique de l’architecte, prises entre 1983 et 1995, ainsi que quelques artéfacts provenant de la structure. Alors que le studio de Beuys est un lieu de genèse d’œuvres et de créateurs, la sphère de Fuller serait plutôt, selon Duchesnay, un antistudio, le lieu d’une déchéance progressive de ce patrimoine architectural laissé à l’abandon. Avec cette exposition, Duchesnay poursuit un travail documentaire sur l’héritage architectural de Fuller amorcé depuis déjà plusieurs années. Ici, le croisement avec Beuys permet de tracer des parallèles entre ces deux idéalistes qui portaient, chacun à leur manière, un ardent désir de « voir l’humanité réussir ».
Texte de Guillaume Sirois, été 2012
Notice biographique
Après des études en histoire, en histoire de l’art et en philosophie à l’Université Concordia de Montréal, Robert Duchesnay parfait son art à Londres auprès de Bill Brandt et aux studios Robert Horner. Artiste multimédia, il est reconnu pour son travail documentaire principalement tourné sur l’architecture. Depuis 1984, il a présenté des expositions individuelles à Montréal, Québec et Toronto, mais aussi à Wichita et à New York aux États-Unis. Ses œuvres font partie de collections prestigieuses, telles que la Banque d’œuvres d’art du Canada, le Centre Canadien d’Architecture, le Ford Museum et le Frank Lloyd Wright Allen-Lambe House Museum.
Publication
Céline Mayrand
Robert Duchesnay : Le studio et l’anti-studio de Joseph Beuys et Buckminster Fuller
Longueuil : Plein sud, centre d’exposition en art actuel
2012, 16 pages
Remerciements
Robert Duchesnay remercie Alix & Gagné de leur précieuse collaboration pour les impressions au jet d’encre.