D’abord reconnu comme peintre, Sylvain Bouthillette présente à Plein sud une exposition qui se distingue par son caractère hétérogène et multidisciplinaire L’artiste propose des photographies numériques mettant en scène des animaux ou des peluches dans des décors familiers, une série d’images numériques représentant une corneille et ponctuées d’interventions discrètes à la peinture et au crayon, des sculptures en mouvement composées de têtes de clown ainsi qu’un dispositif sonore. Bien que distinctes formellement les unes des autres, ces œuvres se rejoignent sur le plan de l’iconographie utilisée ainsi que sur celui d’une recherche d’ordre spirituel.
Les œuvres de Bouthillette sont, dans un premier temps, attirantes : la présence d’animaux et de peluches est réconfortante et non dénuée d’humour pour ne pas dire de dérision. Les compositions sont simples et efficaces, les couleurs vibrantes et un grand souci est apporté à la qualité physique des œuvres. Le recours à une iconographie relevant de la culture populaire - les tatouages en forme d’étoile de la série des Corneilles ou encore les têtes de clown des sculptures — contribue également à capter le regard. Dans un deuxième temps cependant, il existe dans le travail de Bouthillette un aspect étonnant, déstabilisant, voire dérangeant. Par exemple, une photographie numérique nous montre trois écureuils dans l’herbe qui fixent l’objectif. Scène anodine au premier coup d’œil. Mais déjà, le fait qu’il s’agisse d’écureuils albinos nous intrigue. Puis, en observant mieux, on s’aperçoit qu’il s’agit du même écureuil reproduit trois fois. Se préparent-ils à attaquer ou tentent-ils de nous hypnotiser ? Et ces points lumineux qui scintillent autour d’eux, que signifient-ils ?
En fait, c’est la rencontre entre deux univers apparemment contradictoires — celui de la culture populaire et celui du bouddhisme tibétain — qui crée une tension au sein de la production de Bouthillette. Le références au bouddhisme sont nombreuses : on les retrouve dans les titres de certaines œuvres et les surfaces de la série des Corneilles sont ponctuées de noms de moines bouddhistes ou encore de mantras. Une forte atmosphère méditative se dégage également de l’exposition. Dans leurs poses figées, les animaux auréolés de points lumineux sont élevés au rang de conscience supérieure. Le caractère répétitif du mouvement des sculptures et de la trame sonore participe à ce climat. En fait, par ces stratégies, l’artiste nous entretient de la possibilité de rencontre avec le sacré dans le quotidien. Avec ses images séduisantes en même temps que troublantes, il nous fait pressentir qu’il existe, au-delà de la perception sensible, tout un monde à découvrir et à explorer. En ce sens, l’art de Bouthillette en est un de générosité.
— Sylvie Pelletier
Notice biographique
Né en 1963, Sylvain Bouthillette vit et travaille à Montréal où il a obtenu en 1990 une maîtrise en arts visuels (Université Concordia). Actif depuis 1983, il a présenté une dizaine d’expositions individuelles et a participé à de nombreuses expositions collectives surtout à Montréal, mais aussi ailleurs au Québec (Alma, Rouyn-Noranda) ainsi qu’en Ontario (Toronto, Kitchener). Son travail figure dans les collections du Musée d’art contemporain de Montréal, du Musée du Québec, de la Bibliothèque nationale du Québec, du Cirque du Soleil et de Loto-Québec. Plusieurs collectionneurs privés possèdent également de ses œuvres.