Les matériaux rassemblés par l’artiste Valérie Kolakis sont toujours étonnants. D’une exposition à l’autre, l’artiste propose un travail très personnel et des œuvres qui expriment une démarche explorative résolue. Elle utilise volontiers pour ses expositions des matières récupérées, des objets trouvés ou des pièces pauvres, parfois emportés de chantiers de construction. L’artiste possède cette capacité de créer des associations inattendues et de réunir et de mettre en scène des choses qui n’ont pas toujours l’habitude d’être ensemble.
Les œuvres présentées à Plein sud n’y font pas exception. L’installation résulte d’une communauté de sculptures et de dessins qui n’est pas sans évoquer nos espaces urbains et le tissu bâti de nos villes, et où apparaissent des fragments de ces architectures modernes modulaires épurées et omniprésentes dans lesquelles nous vivons. L’ensemble s’enveloppe d’une apparence à la fois constructiviste et faussement anarchique. Cependant, malgré un fort rapport des œuvres à la matérialité, nous sommes bien dans le domaine de l’évanescence, de l’allusion.
En effet, les œuvres qui composent l’installation ne sont pas sans convergence. Leur assemblage n’est pas fortuit et il exige de la part du visiteur une certaine participation. Comme des symboles qui nous réfèrent au quotidien, chacune des composantes de l’exposition se rattache au réel, à des objets plus familiers et à des signes du quotidien construit qui nous entoure. Cette familiarité, bien que décomposée dans le prisme du langage plastique de l’artiste, va enclencher chez le visiteur des processus de réflexion et un questionnement qui vont nourrir ses diverses interprétations de l’œuvre et qui viendront à bout de l’absence de linéarité et de discours apparent de celle-ci.
En soulignant leur absence et leur perte, cette exposition parle d’appartenance, d’intimité et de patrimoine, comme elle parle d’art et de communication. Bien que non discursive, l’œuvre force le dialogue. Elle sous-tend une quête d’identité, un cheminement de l’être humain à travers les symboles du construit qui nous entoure.
— Richard Théroux
Depuis plus de dix ans, Valérie Kolakis compose une vaste méditation autour du thème du passage du temps. Son œil d’artiste visuel l’amène à en chercher les traces dans les objets et les éléments architecturaux qui meublent nos vies. Or, si cette mémoire inscrite dans notre parcours quotidien est bien réelle, elle n’est demeure pas moins cachée, souvent difficilement accessible, en raison de l’absence d’un référent historique bien défini. C’est ainsi que la recherche devient incessante, parfois génératrice d’angoisse, voire d’expériences traumatisantes. La base théorique de l’exposition de Kolakis à Plein sud est la notion d’inquiétante étrangeté, élaborée par Sigmund Freud. Selon le père de la psychanalyse, il survient dans la vie des êtres humains des moments de rupture dans la perception de la réalité qui nous font voir des objets familiers sous un autre jour, comme s’ils devenaient tout d’un coup étrangers à la rationalité habituelle de notre vie quotidienne. L’exemple classique de ce moment de rupture est lorsqu’une poupée à l’effigie humaine semble prendre vie. En utilisant cette célèbre notion psychanalytique, l’artiste souhaite mettre de l’avant un questionnement sur l’identité qui est à la fois construite, mais aussi contrainte par les espaces physiques et les objets qui nous entourent. Ainsi, elle développe un vocabulaire sculptural élaboré à l’aide de matériaux pauvres et d’objets trouvés, qui cherche à rendre compte de tels moments dans l’expérience de la migration, du déplacement ou du changement de territoire. Pour ce faire, elle reconstruit des espaces et refaçonne des objets de telle manière que leurs fonctions originelles s’en trouvent contredites. C’est sur cette base que le visiteur pourra s’interroger sur son propre rapport à l’environnement physique et au passage du temps.
— Guillaume Sirois, automne 2010
Notice biographique
Née à Athènes, en Grèce, Valérie Kolakis vit et travaille à Montréal. Représentée par la Galerie Donald Browne, son travail a été vu dans de nombreuses expositions au Québec. Elle est également très présente sur la scène internationale, ayant présenté des expositions à Berlin (Allemagne), Bâle (Suisse) et Paris (France), et participé à des expositions ou effectué des séjours professionnels en France, aux États-Unis, en Norvège, en Irlande, en Chine, en Allemagne et en Suisse.
Publication
Paul Landon
Valérie Kolakis : Unheimlich
Longueuil : Plein sud, centre d’exposiion en art actuel
2011, 16 pages